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Et comme avant-goût, voici l’édito du numéro :
Édito : « C’est moi qui suis le pain de vie, celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n’aura soif. » Jean 6, 35
La religion rend-elle heureuse ou heureux ? À l’heure où les médias ne parlent des religions que par les scandales sexuels et financiers, les dérives sectaires ou les violences (des violences psychologiques jusqu’au terrorisme), ou quand les seuls religieux à qui on tend un micro sont les catholiques fondamentalistes sur les chaînes du groupe Bolloré, la question peut sembler incongrue. Comment une institution enfermante et violente pourrait rendre heureuse ou heureux ?
Et pourtant. Étude après étude, sociologues, psychologues et autres spécialistes des sciences sociales découvrent un lien, quasiment universel, entre participation à une religion, foi et bonheur. Je n’ai pas trouvé le chiffre pour la France, mais par exemple en Allemagne, 30 % de celles et ceux qui se déclarent croyant·es et pratiquant·es se déclarent aussi « très heureuses ou heureux ». C’est 24 % chez « les croyant·es non-pratiquant·es » et 20 % chez celles et ceux qui déclarent ne pas croire. Un bel écart de 10 points, qui se retrouve, plus ou moins grand, dans presque tous les pays étudiés (quelle qu’y soit d’ailleurs la religion majoritaire, ce n’est pas spécifique au christianisme). En moyenne donc, les pratiquant·es accèdent plus facilement au bonheur que les autres.
De tout ceci, je tire deux conclusions. La première, c’est que l’image médiatique des religions les déforme complètement. Quel que soit le lien entre bonheur et religion, si la religion ressemblait vraiment à l’image médiatique qu’elle donne, elle serait cause de malheur plutôt que de bonheur. Je ne crois pas qu’on devienne terroriste quand on est heureux ! Si la société dans son ensemble et ses médias en particulier véhiculent une image négative de la religion, notre mission est de témoigner, de raconter la manière dont nous, nous vivons notre foi, une foi qui libère plutôt que d’enfermer, qui fortifie plutôt que d’affaiblir, qui rend critique plutôt que candide. Nos témoignages personnels n’ont pas la « force de frappe » des médias nationaux, mais ils ont la force de la sincérité.
Si la première conclusion me semble sûre, la deuxième est plus personnelle. Car ces études, si elles sont claires sur l’existence d’un lien entre pratique religieuse et bonheur, ne disent pas pourquoi les personnes pratiquantes sont plus heureuses en moyenne. Aller très régulièrement à l’église n’est pas la clef universelle du bonheur ; d’ailleurs en toute logique si 30 % des croyant·es pratiquant·es allemand·es se déclarent « très heureuses ou heureux », c’est qu’il y a encore 70 % qui ne le déclarent pas. Et puis, il est possible qu’une cause commune fasse à la fois que les gens soient plus heureux et participent à une religion.
Néanmoins, mon expérience m’indique plutôt une autre explication. Je crois que la religion répond à un besoin fondamental de l’être humain. Un besoin aussi essentiel que le manger et le boire, un besoin que j’appellerais « spirituel ».
C’est pour souligner que ce besoin est vital que Jésus, à plusieurs reprises, parle de la Parole de Dieu comme de l’eau, notamment dans l’évangile de Jean. C’est aussi pour cela qu’il nous a donné le sacrement de la Cène ; par le pain et le vin, il nous montre que ce qu’il a à nous offrir est une corne d’abondance spirituelle. Et c’est pour cela qu’il dit : « c’est moi qui suis le pain de vie, celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n’aura soif ». Il ne parle pas de faim et de soif physiques ; il nous dit que l’écouter, lire et méditer la Bible et prier ensemble suffit à assouvir nos besoins spirituels. Il nous dit que ce n’est pas pour apaiser un Dieu de colère qu’il nous demande de lui rendre un culte, mais pour notre bien à nous, notre bonheur à nous. Aller à l’église le dimanche, ce n’est pas se sacrifier pour payer une dette contractée envers Dieu ; c’est recevoir encore un cadeau de plus ! (Ce qui ne veut pas dire que l’Église ne doit pas chercher à rendre ce cadeau plus attractif, mais c’est un autre sujet.)
Notre époque tend à oublier cela. Alors, nous cherchons à assouvir notre besoin de spiritualité par la consommation effrénée de biens matériels, et/ou en redirigeant notre spiritualité vers des réalités mondaines : politique, star system, sport, … Mais c’est comme boire pour se remplir l’estomac quand on a faim : cela peut donner l’illusion de la satiété, mais l’illusion se dissipe rapidement. Et c’est là une des fonctions du carême que nous nous apprêtons à vivre. En remettant à plat la consommation des biens matériels, il nous permet d’interroger notre relation au spirituel. De faire de la place au spirituel, remplacer le bruit du monde par le silence intérieur, et nous rendre compte que c’était de cela dont nous avions en fait besoin.
Des études sont en cours pour déterminer les causes du lien entre religion et bonheur. Je n’ai aucun doute sur le fait que les scientifiques mettront au jour la causalité entre pratique religieuse et bonheur. Mais avant que les choses ne soient prouvées, rien ne nous empêche de boire à l’eau vive, et de manger le pain de vie. C’est en tout cas tout ce que je nous souhaite pour ce carême 2025, et tous ceux à venir !
Bonne lecture !